Genèse et introduction de l’euro.

Dès l’Antiquité, des monnaies acquièrent une importance marquée par leur diffusion, telle la tétradrachme d’argent athénienne, qui se répand sur un large pourtour Nord méditerranéen ; son prestige est tel que son design est repris dans une des faces nationales des euros grecs. Le sesterce romain prend sa suite et pénètre bien plus largement le continent européen.

Au Moyen-âge, sous la Renaissance et l’époque moderne, certaines monnaies connaissent un rayonnement international, tel le besant byzantin, le denier d’argent carolingien, le franc tournois français, le thaler autrichien. Mais si elles sont prestigieuses, elles restent instables tant en terme de quantité produite qu’en terme de contenu/poids de métal précieux.

Le XIXème siècle est un siècle charnier pour les monnaies européennes. La loi du 07 avril 1803[1] institue le bimétallisme, le franc germinal est créé. L’empereur Napoléon Ier, de par ses conquêtes, son ambition d’empêcher tout commerce avec l’Angleterre et sa volonté de viabiliser son empire, répand, voir impose à titre partiel, la monnaie française en Europe.

Le 23 décembre 1865, l’empereur Napoléon III fonde l’Union monétaire latine. Il souhaite une union monétaire, ou supranationale, fondée sur le régime de bimétallisme or-argent, entre la France, la Belgique, l’Italie, la Suisse, la Grèce[2]. Cette Union est dissoute le 1er janvier 1927. Cet organisme a eu le mérite de poser les bases d’un système monétaire international.

Le 24 octobre 1929 éclate le krach boursier de Wall street (New York, Etats-Unis) ; une crise boursière, économique et monétaire frappe progressivement toutes les économies mondiales. Cette crise provoque le repli sur soi, chaque pays essaie de développer ses exportations en dévaluant sa monnaie, via la fondation de zones monétaires.

En Europe, deux zones majeures émergent : en 1931, le Royaume-Uni créé avec les pays scandinaves et le Portugal[3] la Zone Livre Sterling ou Bloc-Sterling. En 1933, la France créé le Bloc-or autour du franc avec la Belgique, l’Italie, les Pays-Bas, la Pologne et la Suisse[4]. Ces deux Blocs s’effondrent avec la Seconde Guerre Mondiale.

Le projet de créer une monnaie unique renaît dans les années 1970. Avec la mise en œuvre de la P.A.C. en 1962, les Etats-membres de la C.E.E. prennent peu à peu conscience de l’impossibilité de réaliser un système de taux de change contrôlable. Ainsi, les turbulences du régime agrimonétaire imposent des ajustements périodiques.

1971 est le tournant capital de la fondation de l’euro. Les accords de Bretton-Woods offraient jusqu’alors aux Etats-Unis d’Amérique un monopole (officieux) économique et monétaire mondial en contrepartie du financement quasi intégral dudit monopole. Leur rejet cette année-là par le président américain Nixon bouleverse la donne.

L’intérêt politique pour les Etats-membres de l’U.E. d’une union monétaire se fait très vite ressentir. Les taux de change s’emballent ; l’inflation progresse de façon trop rapide et brutale pour être régulée par les mécanismes existants. Les prix montent, sans que les salaires suivent et les crises pétrolières achèvent un système économique à bout de souffle.

Le 10 avril 1972, le Traité de Bâle institue le Serpent Monétaire Européen (S.M.E.),  dispositif économique limitant les fluctuations de taux de change entre les Etats-membres de la C.E.E. Un seuil d’intervention à la vente et un seuil d’intervention à l’achat sont définis pour chaque monnaie, en fonction du taux de change par rapport à chacune des autres monnaies.

Ainsi, une monnaie ne peut pas fluctuer par rapport à une autre de plus ou moins 2,25 % autour de sa parité bilatérale. Le but premier du S.M.E. est bien de stabiliser les taux de change. Cependant, l’existence de plusieurs monnaies fausse la concurrence entre les entreprises des États-membres. Le système est vite caduc.

1975-1985, c’est une décennie de crise et instabilité monétaire mondiale. Les chocs pétroliers, les guerres et les courses à l’armement de la Guerre Froide aboutissent à une flambée de l’inflation et de la spéculation. Les monnaies européennes doivent être dévaluées. La France est particulièrement touchée.

Le 13 mars 1979, le Système Monétaire Européen succède au S.M.E. Les simples ébauches du S.M.E. et les politiques monétaires unilatérales britanniques et américaines démontrent toute leur inefficacité. Seule une union économique et monétaire renforcée et correctement menée peut pallier la crise qui s’amplifie.

Le principal objectif du nouveau Système est de stabiliser non plus les taux de change mais les monnaies européennes elles-mêmes. Il repose sur trois piliers : un mécanisme de change qui assure un lien solide entre les monnaies nationales ; un système de crédit qui gère la solidarité monétaire des pays partenaires ; (E.C.U.).

L’E.C.U., ou Unité de compte européenne, fait office de pivot de référence ; elle n’est en rien une monnaie commune. Il s’agit d’un outil virtuel déduit quotidiennement selon les cours de change des monnaies des États-membres de la C.E.E. ; le but est de leur donner une zone de stabilité monétaire en limitant les fluctuations des taux de change entre eux.

En tant que panier de valeurs, la valeur de l’E.C.U. est par définition plus stable que celle des monnaies qui le composent. La faiblesse éventuelle d’une monnaie du panier se compense par la force des autres monnaies. L’ECU prépare de ce fait la venue de l’euro, même si l’établissement d’une union monétaire restait controversé

Juin 1988, le Conseil européen charge J. Delors d’étudier les étapes devant mener à l’établissement d’une Union Economique Monétaire (U.E.M.).

Avril 1989, publication du rapport Delors. Trois étapes-U.E.M. successives sont définies pour parvenir à la fixité définitive des taux de change et à la création d’une monnaie unique.

Juin 1989, le Conseil européen lance la première étape-U.E.M. : il abolit toutes les limitations existantes concernant le mouvement des capitaux.

Le 1er novembre 1993, le Traité sur l’U.E. ou Traité de Maastricht confirme la création d’une U.E.M. et impose des critères de convergence, initialement non-contraignants, comme condition d’intégration à l’union monétaire. Le but est d’assurer une certaine uniformité et stabilité de la situation économique et financière. L’article 140 du Traité légalise ces critères.

Ainsi, le taux d’inflation ne doit pas excéder de plus de 1,5 % celui des trois Etats-membres ayant les plus faibles taux d’inflation ; le déficit budgétaire doit être inférieur à 3 % du P.I.B. ; l’endettement public doit être inférieur à 60 % du P.I.B. ; les taux d’intérêts réels à long terme ne doivent pas excéder de 2 % ceux des trois Etats-membres ayant les plus faibles ; nulle  dévaluation monétaire dans les deux années précédant l’intégration à l’union monétaire.

Le 1er janvier 1994, la deuxième phase-U.E.M. est mise en place avec la création de l’Institut Monétaire Européen (I.M.E.). Cet I.M.E. doit préparer la mise en place d’une banque centrale transnationale et d’une politique monétaire commune. Il s’agit de ce fait du précurseur de la future Banque Centrale Européenne (B.C.E.).

Le 16 décembre 1995, le Conseil européen décide de suivre la proposition de G. Pirlot, essayiste belge et ancien professeur de Français et d’Histoire sur le nom de la monnaie commune : ce sera l’ « euro ». Il confirme également le lancement de la troisième phase-U.E.M. au 1er janvier 1999.

Le 02 mai 1998, le Conseil de l’Union européenne décide à l’unanimité qu’onze Etats-membres remplissent les conditions nécessaires pour l’adoption de la monnaie unique au 1er janvier 1999 : Allemagne, Autriche, Belgique, Espagne, Finlande, France, Irlande, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Portugal.

Le 1er juin 1998, la B.C.E. est créée à Francfort-sur-le-Main (Allemagne). C’est la principale institution monétaire de l’U.E. Elle se base sur un modèle fédéral ; elle doit émettre l’euro en tant que monnaie commune et unique de l’U.E.M., définir les grandes orientations de politique monétaire de la zone euro et prendre les décisions nécessaires à sa mise en œuvre.

Elle doit maintenir le pouvoir d’achat de l’euro et donc la stabilité des prix dans la zone euro.

Le 1er janvier 1999, la troisième phase-U.E.M. entre en vigueur. Les taux de change des monnaies des onze Etats-membres participant se fixent irrévocablement ; une politique monétaire unique est mise en œuvre sous la responsabilité de la B.C.E. L’euro est introduit en 1999 dans la zone euro (pour les marchés financiers).

Le 1er janvier 2001, la Grèce parvient à se hisser au rang des pays pouvant adopter l’euro.

Le 1er janvier 2002, l’euro apparaît comme monnaie fiduciaire dans la zone euro.


[1]Loi du 17 germinal an XI.

[2]Mais avec aussi des pays associés (par accords bilatéraux) : Autriche-Hongrie, Crète, Espagne, Finlande, Lichtenstein, Monaco, Roumanie, Russie, Saint-Marin, Suède, Vatican ; des pays alignés (unilatéralement) : Argentine, Brésil, Bulgarie, Chili, Haïti, Indes occidentales danoises, Luxembourg, Pérou, République dominicaine, Serbie, Venezuela ; des pays sous statut colonial : Comores, Congo, Erythrée, Porto Rico, Tunisie.

[3]Le Brésil, l’Egypte et tous les pays du Commonwealth, excepté le Canada, en font partie. Tous entretiennent alors des relations commerciales avec le Royaume-Uni et ont avantage à rattacher leur monnaie à la livre sterling plutôt que de maintenir la parité à l’égard de l’or. De fait, la convertibilité de la livre en or est abolie.

[4]La monnaie de ces pays reste convertible en or jusqu’en 1936 lorsque le franc est dévalué et met fin au Bloc-or.

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